LE SONNET

Publié le jeudi 25 juin 2015 16:50 - Mis à jour le jeudi 25 juin 2015 17:40

► Composition

Le sonnet est composé de 14 vers ayant le même mètre (souvent l’alexandrin) : il commence par deux quatrains avec les deux mêmes rimes embrassées  (ABBA,ABBA) et se poursuit par un sizain composé d’un distique en rimes suivies et d’un quatrain en rimes embrassées ( CCDEED ) ou croisées ( CCDEDE ). Pour répondre visuellement aux deux quatrains, la typographie divise le sizain en deux tercets.

► Histoire

Le nom serait d’origine provençale, « sonet » - petite chanson , et désignerait un poème accompagné de musique, inventé par les troubadours au XIIe siècle. On retrouve cette forme poétique dans la poésie sicilienne du XIIIe siècle. Elle est utilisée au XIVe siècle par le grand poète humaniste Francesco Petrarca ( 1304-1374 ) dans son Canzoniere, recueil de poésies amoureuses dédiées à Laure de Noves qu’il aime d’un amour idéal : la célébrité acquise par Pétrarque avec ce recueil donne au sonnet un statut littéraire et lie cette forme poétique à la thématique amoureuse. L’engouement pour la poésie de Pétrarque assure son succès auprès des poètes français au XVIe siècle : Clément Marot l’introduit en France en traduisant le premier quelques sonnets amoureux de Pétrarque ( 1544 ) et il devient l’une des formes favorites des poètes de l’École lyonnaise ( Maurice Scève, Louise Labé)  et des poètes de la Pléiade ( Pierre de Ronsard, Joachim Du Bellay ). A la même époque, le sonnet s’émancipe de la thématique amoureuse et sert à la satire, au blâme ou à l’éloge ( par exemple Les Antiquités de Rome ou Les Regrets de Du Bellay avec la satire des courtisans romains ). Il est encore apprécié au XVIIe siècle pour son équilibre et sa mesure ( Boileau écrit dans son Art poétique :  « Un sonnet sans défaut vaut seul un long poème » ) , mais il disparait au XVIIIe siècle, peu porté sur la poésie … Il est remis en honneur par les poètes du XIXe siècle vers 1835 avec Musset, Baudelaire et Gautier, et connaît quelques variantes dans sa composition, jugées comme des irrégularités : par exemple, les quatrains n’ont pas les mêmes rimes ou le distique est à la fin du sonnet… A la fin du XIXe siècle, on explore d’autres organisations du sonnet : par exemple, le sonnet renversé ( les tercets précèdent les quatrains ) , le sonnet polaire ( les quatrains encadrent les tercets ) , le sonnet alterné ( les quatrains et les tercets alternent ). Au XXe siècle,  l’Oulipo* ( Ouvroir de Littérature Potentielle ) a ajouté « un sonnet irrationnel » : « sonnet »  car c’est un poème à forme fixe de 14 vers et « irrationnel » car il est divisé en 5 strophes de 3 vers - 1 vers - 4 vers - 1 vers – 5 vers !...

 

*L’Oulipo est un groupe de recherches en littérature fondé en 1960 par Raymond Queneau et François Le Lionnais. L'Oulipo pratique une écriture ludique, souvent à partir d’une contrainte formelle : par exemple, écrire un lipogramme en « e », i.e. un texte sans la lettre « e », comme Georges Pérec avec La disparition (1969) , texte écrit sans utiliser la lettre « e », d’où le titre.

 

 Organisation

 En introduisant le sonnet en France, Marot adopte une disposition nouvelle des rimes dans les tercets : il substitue les rimes croisées aux rimes embrassées qui étaient la disposition la plus fréquente dans les sonnets italiens. Ronsard, le chef de file de la Pléiade, dans son recueil de 1552 Le Premier Livre des Amours, adopte exclusivement les deux dispositions ( tercets en rimes embrassées ou croisées ) et tous les poètes du XVIe siècle reprendront l’une ou l’autre de ces dispositions. En ce qui concerne le mètre, le  décasyllabe utilisé dans un premier temps est concurrencé par l’alexandrin et l’octosyllabe, puis l’alexandrin s’imposera.

 

Le sonnet se prête à une grande variété de composition :

- recherche d’un effet final, avec la mise en valeur du dernier vers (effet de chute ou pointe); 

- contraste entre les quatrains et les tercets ( opposition de tonalité / développement d’une image avec les quatrains qui lancent la comparaison et les tercets qui l’explicitent … );

 - présentation d’un dialogue se partageant entre le lyrisme intérieur personnel et l’effort pour convaincre autrui (par exemple, la requête amoureuse dans la poésie du XVIe siècle)…

 

Dès son origine, le sonnet est utilisé pour l’expression personnelle, pour le lyrisme : il convient aussi bien à l’expression amoureuse, à l’élégie (la plainte amoureuse) qu’à la contemplation, à la vision nostalgique, au rêve, à l’évocation des paradis perdus…